Port du voile en entreprise : dérive liberticide ou respect des principes fondamentaux ?

Monsieur Bruno Retailleau, nommé par Monsieur Barnier, "soutient" une association qui veut procéder au licenciement de deux salariés porteuses du voile. Les conseilleurs n'étant pas les payeurs, voyons ensemble si le droit lui donne raison.

Me Nathan DJIAN

10/2/20243 min read

Licenciement des salariées voilées après modification du règlement intérieur : quels sont leurs droits ?

Deux salariées voilées sont menacées de licenciement après un changement dans le règlement intérieur de leur entreprise, imposant la neutralité religieuse. Cette situation pose des questions cruciales quant aux limites d’une telle interdiction et à sa légalité.

1. Le cadre juridique : La neutralité religieuse en entreprise

En France, la liberté religieuse est un droit fondamental garanti par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme, et l'article L.1321-3 du Code du travail. En principe, le port de signes religieux, comme le voile, est autorisé dans le secteur privé, sauf si une interdiction est légitime et proportionnée. La jurisprudence de la Cour de cassation et celle de la CJUE ont fixé des conditions strictes : l'interdiction du port du voile doit être justifiée par un besoin professionnel, comme des impératifs de sécurité ou d’hygiène..

La jurisprudence est également claire sur ce point. La CJUE, par son arrêt Achbita du 14 mars 2017 (C-157/15), ainsi que dans l’arrêt Micropole (CJUE, 14 mars 2017, C-188/15) rendu le même jour en Grande Chambre, et la Cour de cassation, dans plusieurs arrêts, rappellent la loi.

Toutefois, dans certaines entreprises privées, une politique de neutralité stricte peut être mise en place. Cette politique doit toutefois s’appliquer de manière uniforme à tous les salariés et ne pas viser un signe religieux en particulier.

2. Changement du règlement intérieur : est-ce légal ?

Un règlement intérieur peut être modifié pour introduire une clause de neutralité. Cependant, cette clause doit être justifiée par la nature des tâches exercées, par exemple dans des postes en contact direct avec la clientèle ou dans des entreprises où la neutralité religieuse est indispensable pour l’image de marque. Dans ce cas, une consultation avec les représentants du personnel est nécessaire, et la clause doit être proportionnée à l’objectif recherché.

Dans l’affaire des salariées voilées, le changement du règlement intérieur pourrait être contesté si la neutralité imposée n’est pas indispensable pour l’activité de l’entreprise ou si elle est disproportionnée par rapport aux fonctions des salariées concernées.

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3. Risques de discrimination et contestation possible

Si le licenciement des salariées voilées se fonde uniquement sur le nouveau règlement sans que la modification soit légitimée par des exigences précises, elles pourraient contester leur licenciement devant le Conseil de prud’hommes. La discrimination religieuse est interdite par la loi, et la jurisprudence a souvent souligné que l’interdiction de signes religieux dans l’entreprise doit être justifiée de manière objective et non discriminatoire.


4. Neutralité et mauvaise volonté délibérée : un motif de rupture anticipée ?

Même si le nouveau règlement impose la neutralité, la rupture d'un contrat de travail fondée sur la religion peut être perçue comme abusive. Les employeurs doivent démontrer qu'il existe une mauvaise volonté délibérée de la part des salariées dans l'exécution de leurs obligations professionnelles pour envisager une rupture. À défaut, elles peuvent obtenir des dommages et intérêts pour licenciement abusif. Le licenciement basé sur la religion est discriminatoire et nul en droit. Ce type de licenciement expose l'employeur à des sanctions lourdes : dommages et intérêts, ainsi que réintégration de la salariée ou, à défaut, une indemnité réparatrice équivalente à au moins six mois de salaire (article L.1235-3-1). La réintégration est lourde sur le plan financier, puisqu’il faut réintégrer la salariée et lui verser une somme qui est constituée de l’intégralité des salaires qu’elle aurait pu percevoir entre le moment où elle a perdu son emploi et le moment où l’employeur lui redonne un poste, ce qui peut prendre des années et donc coûter des années de salaire.

Conclusion : Une affaire sensible et un encadrement juridique strict

L'affaire des salariées voilées soulève des questions complexes sur la frontière entre neutralité et discrimination dans l'entreprise. En cas de litige, il sera essentiel de déterminer si la clause de neutralité introduite est justifiée et proportionnée. Toute mesure visant à restreindre les libertés individuelles doit être rigoureusement encadrée pour éviter tout abus.

Si vous êtes dans une situation similaire, employeur ou salarié, n’hésitez pas à me contacter pour une analyse approfondie de votre situation et pour protéger vos droits.


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